05/11/2024
Pourquoi et comment réduire les effectifs de la fonction publique
François ECALLE
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Le gouvernement a prévu la suppression de 2 200 postes dans les services de l’Etat et de ses opérateurs dans le projet de loi de finances pour 2025.
Les économies sur les dépenses publiques nécessaires pour réduire suffisamment le déficit sont considérables et seront très difficiles à réaliser sans une réduction de la masse salariale des administrations publiques en pourcentage du PIB. Comme il est difficilement envisageable de réaliser des économies sur la rémunération des fonctionnaires, il faut réduire les effectifs de la fonction publique.
De 1997 à 2022, pour l’ensemble des trois fonctions publiques et hors emplois aidés, ils ont augmenté de 23 % (7 % pour la fonction publique d’Etat, 46 % pour la territoriale et 36 % pour l’hospitalière) alors que les emplois du secteur privé ont augmenté de 18 % et la population de 14 %. Des données provisoires suggèrent que leur croissance a encore été forte de la fin de 2022 à juin 2024. Divers indicateurs montrent par ailleurs que l’emploi public est plus important en France que dans les pays comparables à l’exception notamment des pays scandinaves.
La productivité horaire devrait pouvoir augmenter de 0,5 % par an dans les services publics, comme dans les services marchands, ce qui permettrait d’y réduire les effectifs de 30 000 par an en maintenant la quantité et la qualité des services rendus aux usagers. Certes de nouveaux besoins ne pourront pas être satisfaits mais les prélèvements obligatoires ne sont pas indéfiniment extensibles, ce qui oblige à faire des choix difficiles.
Cet objectif global de baisse de 0,5 % des effectifs devrait être différent pour chacune des trois fonctions publiques. Les effectifs de la fonction publique locale pourraient être réduits de 1,0 %, soit 19 000 postes, par an, mais l’Etat doit trouver les moyens d’y inciter les collectivités locales en commençant par ne pas leur imposer de nouvelles charges. Ceux de la fonction publique d’Etat pourraient diminuer de 0,5 %, soit 11 000 postes, par an. Les emplois hospitaliers pourraient être stabilisés à leur niveau actuel. L’économie en résultant serait au total de 2,0 Md€ par an, soit 10,0 Md€ à un horizon de cinq ans (hors cotisations des employeurs). Elle peut sembler faible au regard des efforts requis pour réduire suffisamment le déficit, mais les effectifs de la fonction publique n’ont jamais diminué sur une période de cinq ans.
Une hausse de la durée du travail et une plus grande mobilité, géographique et fonctionnelle, des fonctionnaires faciliteraient la réalisation de cet objectif.
A) Pourquoi il faudrait réduire les effectifs de la fonction publique
Si on tient compte des dépenses supplémentaires nécessaires à la lutte contre le changement climatique et de la hausse des charges d’intérêt, l’effort structurel requis pour seulement stabiliser la dette publique à son niveau actuel est d’au moins 120 Md€, soit 4,0 % du PIB, et doit être obtenu par des hausses des prélèvements obligatoires ou par des économies sur les autres dépenses (voir note publiée par l’Institut Montaigne).
Compte-tenu du niveau déjà très élevé des prélèvements obligatoires en France au regard de ceux des pays comparables, cet effort de redressement des comptes publics doit porter principalement sur les dépenses publiques. Or la masse salariale des administrations publiques représente 14,6 % des dépenses publiques hors cotisations de retraite à la charge des employeurs et 21,5 % des dépenses avec ces cotisations. Il est donc très difficile de réaliser des économies aussi considérables sans réduire cette masse salariale, en pourcentage du PIB.
Au 1er juillet 2024, le point d’indice de la fonction publique n’avait été revalorisé que de 6,3 % depuis le 1er juillet 2010 (contre près de 20 % pour l’inflation). Les fonctionnaires ont toutefois bénéficié d’un alignement de leur traitement minimal sur le SMIC, d’une garantie individuelle de pouvoir d’achat, de mesures catégorielles en faveur de nombreux corps, des avancements souvent automatiques d’échelon dans les grilles salariales en fonction de leur ancienneté et enfin d’une refonte globale du système des primes indemnitaires à la suite des négociations sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations de 2015[1]. En conséquence, de 2007 à 2022, le salaire net moyen par tête en équivalents temps plein a augmenté, en euros constants, de 1,8 % dans la fonction publique d’Etat, de 2,5 % dans la territoriale et de 5,5 % dans l’hospitalière, mais il a plus augmenté dans le secteur privé (7,2 %).
Il en résulte des difficultés de recrutement dans la fonction publique. Si elles doivent être relativisées au regard de celles des entreprises privées (cf. article dans la revue Pouvoirs locaux), il est difficilement envisageable de réaliser des économies sur les rémunérations. La réduction de la masse salariale des administrations publiques doit donc passer par une diminution des effectifs de la fonction publique.
Pour l’ensemble des trois fonctions publiques, ils étaient à la fin de 2022 (5 694 000 personnes hors emplois aidés) supérieurs de 1 055 000 à ceux de la fin de 1997, ce qui correspond à une hausse de 23 % alors que les effectifs dans le secteur privé ont augmenté de 18 % et la population de 14 % sur cette période.
Les évolutions des effectifs des fonctions publiques d’Etat et territoriale sont corrigées ci-dessous pour tenir compte du transfert de 140 000 agents de l’Etat aux collectivités locales à la fin des années 2000, en contrepartie de transferts de compétences, pour être ainsi mesurées à périmètre constant.
Dans ces conditions, les effectifs de la fonction publique d’Etat (2 543 000 personnes fin 2022) ont augmenté de 7 % de 1997 à 2022 (+ 173 000), ceux de la fonction publique territoriale (1 937 000 personnes fin 2022) de 46 % (+ 564 000) et ceux de la fonction publique hospitalière (1 214 000 personnes fin 2022) de 36 % (+ 319 000).
La répartition de la hausse des effectifs de l’ensemble de la fonction publique par législature est la suivante : + 386 000 sur 1997-2002 ; + 329 000 sur 2002-2007 ; + 17 000 sur 2007-2012 avec notamment une baisse dans la fonction publique d’Etat (– 136 000) ; + 145 000 sur 2012-2017 avec un fort ralentissement dans les collectivités locales.
Sur la dernière législature (2017 à 2022), la hausse est de + 178 000 au total dont + 96 000 dans la fonction publique d’Etat, + 45 000 dans les collectivités locales et + 38 000 dans les hôpitaux.
Des données provisoires publiées par l’Insee laissent anticiper une nouvelle progression importante des effectifs dans l’ensemble des trois fonctions publiques de décembre 2022 à juin 2024 : + 90 000 contre + 149 000 dans le secteur privé.
Source : rapport de 2023 sur l’état de la fonction publique et Insee informations rapides d’avril 2024 ; corrigé pour tenir compte des 140 000 emplois transférés de 2006 à 2010 entre les fonctions publiques d’Etat et territoriale ; hors emplois aidés ; FIPECO.
Les comparaisons internationales de l’emploi public sont difficiles car sa définition n’est pas harmonisée. En particulier, le périmètre de la fonction publique est très variable d’un pays à l’autre. Le champ des administrations publiques de la comptabilité nationale est homogénéisé au niveau international mais leurs effectifs sont rarement recensés. L’OCDE les estime néanmoins dans son « panorama des administrations publiques ».
Il y apparaît que le rapport de l’emploi dans les administrations publiques à l’emploi total est de 21 % en France en 2021, soit un taux inférieur à ceux des pays scandinaves (29 % pour la Suède) mais supérieur à ceux de la plupart des autres pays (17 % pour le Royaume-Uni et l’Espagne, 14 % pour l’Italie et 11 % pour l’Allemagne par exemple). La moyenne de l’OCDE est de 19 %.
Cette comparaison doit être considérée avec précaution car des agents publics et des dépenses de personnel des administrations publiques (APU) peuvent être remplacées par des subventions ou des achats de services à des organismes qui emploient des agents de droit privé pour exercer des missions de service public mais qui sont classées en dehors du champ des APU. En Allemagne, les hôpitaux sont presque tous hors de ce champ, et leurs effectifs ne sont pas comptés dans l’emploi public, ce qui explique la faible part de l’emploi des APU dans l’emploi total de ce pays, bien qu’ils soient largement financés par des dépenses publiques.
La ventilation la plus fréquente, la plus fiable et la plus homogène des emplois au niveau international est établie entre les « branches » de l’économie, celles-ci étant définies comme l’ensemble des unités de production qui produisent un même bien ou service à titre principal. La branche « administrations, défense, éducation, santé et action sociale » est la plus proche du secteur des administrations publiques. Son périmètre est plus large dans la mesure où elle comprend des organismes dans la santé, l’éducation ou l’action sociale qui sont privés et dont le financement est majoritairement privé. Il est plus étroit dans la mesure où elle ne comprend pas, par exemple, les administrations publiques produisant des services culturels (musées…).
Le rapport entre l’emploi dans cette branche (8,6 millions en France) et l’emploi total en 2022 est de 29 % en France, au-dessus des moyennes de la zone euro (25 %) et de l’Union européenne (24 %) ou du ratio de l’Allemagne (26 %), mais au-dessous de ceux de la Suède (34 %) et de la Belgique (31 %).
Ces divers indicateurs montrent que l’emploi public est plus important en France que dans les pays comparables à l’exception notable des pays scandinaves.
Les gains de productivité horaire dans les services marchands sont de l’ordre de de 0,5 % par an sur les années 2011 à 2019 (soit entre les deux dernières crises économiques) et les administrations publiques devraient pouvoir obtenir le même résultat en mettant en œuvre de nouvelles technologies, notamment dans les domaines de l’information et de la communication, et en se réorganisant. Leur réorganisation peut prendre plusieurs formes : simplification des procédures, mutualisation des activités de support, redéploiement des implantations territoriales.
S’il est ainsi possible de réduire les effectifs des administrations publiques de 0,5 % par an à production de services inchangée, en qualité comme en quantité, et à durée du travail constante, l’objectif pourrait être plus ambitieux car il faudrait également abandonner les missions dont l’utilité est inférieure au coût des prélèvements obligatoires nécessaires pour les financer.
Une baisse de 0,5 % par an, soit environ 30 000 postes par an et 150 000 sur cinq ans pour l’ensemble des trois fonctions publiques, est donc envisageable.
Les besoins ne sont certes pas satisfaits dans beaucoup de domaines mais ce sera toujours le cas, la demande de services publics n’ayant pas de limite. Les Français demanderont toujours plus de sécurité, une meilleure éducation, des services publics plus accessibles etc. Il faut se donner des objectifs d’évolution maximale des dépenses publiques et ensuite faire des choix.
B) La fonction publique territoriale
Les effectifs de la fonction publique territoriale (FPT) pourraient être réduits de 1,0 % par an dans les prochaines années, soit 19 000 postes par an et 95 000 sur un quinquennat. Cette baisse, en pourcentage, pourrait être plus forte dans le bloc communal et plus faible dans les départements.
Compte-tenu d’un coût moyen des nouveaux agents de 25 000 € par an hors cotisations des employeurs, l’économie serait de 0,5 Md€ par an et 2,5 Md€ sur cinq ans. Toutefois, les effectifs de la FPT continueraient à augmenter à politique inchangée et leur « croissance tendancielle » n’est certainement pas nulle. L’économie réalisée en supprimant 19 000 postes est en réalité plus importante mais il faudrait déterminer la croissance tendancielle des effectifs de la FPT pour la mesurer, ce qui est très difficile. A défaut, on peut retenir conventionnellement sa croissance depuis 1997 (1,5 % par an) comme référence et l’économie est alors de 1,1 Md€ par an, soit 5,5 Md€ à l’horizon d’un quinquennat (cf. fiche sur le chiffrage des économies budgétaires). A plus long terme, le gain serait plus important car les économies concerneraient des agents en milieu puis fin de carrière et non de nouvelles recrues.
Les flux de départ en retraite des fonctionnaires territoriaux étant d’environ 45 000 par an, une baisse des effectifs de 19 000 par an reviendrait à remplacer presque 60 % des départs.
Les collectivités territoriales sont autonomes et les mieux placées pour savoir où des économies sont nécessaires et possible. L’Etat doit donc resserrer leurs contraintes financières et les laisser procéder aux arbitrages nécessaires entre les différentes catégories de dépenses. Il peut ainsi réduire ses dotations aux collectivités locales, comme pendant le quinquennat 2012-2017, ou passer avec elles des « contrats » où elles s’engagent sur des objectifs d’évolution de leurs dépenses ou de leurs effectifs sous peine d’une baisse des dotations de l’Etat. Les « contrats de Cahors » passés entre l’Etat et les principales collectivités locales pendant le quinquennat 2017-2022 relevaient de cette catégorie.
En réduisant les ressources qu’il apporte aux collectivités locales, l’Etat les incite à réduire leurs dépenses mais leur effort peut porter sur d’autres dépenses que la masse salariale. Elles pourraient également relever le taux des impôts dont elles gardent la maîtrise (taxes foncières surtout) ou s’endetter plus, mais l’expérience de la baisse des dotations pendant le quinquennat de F. Hollande montre qu’elles sont plutôt incitées à réaliser des économies.
Les collectivités locales pourraient être plus fortement incitées à limiter leurs recrutements par une hausse du taux de leurs cotisations au régime de retraite de leurs agents, la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Malgré la réforme de 2023, celle-ci enregistrerait en effet un déficit qui pourrait atteindre 8,7 Md€ en 2027.
La hausse des cotisations à la CNRACL ferait supporter aux collectivités locales et aux hôpitaux le vrai coût de leurs agents en y incluant des cotisations sociales d’un montant suffisant pour équilibrer les pensions conformément au principe de base d’un régime de retraite par répartition.
Etant donné que les collectivités locales sont obligées de budgéter des dépenses de fonctionnement inférieures à leurs recettes de fonctionnement et que ces dernières sont majoritairement fixées par l’Etat (dotations et impôts affectés), on peut attendre de cette hausse de leurs cotisations un ralentissement de leurs recrutements. S’agissant des hôpitaux, il est moins nécessaire de les inciter à modérer leurs embauches par ce canal, car les créations de postes y sont largement contrôlées par les services de l’Etat. Cette dépense supplémentaire pour les établissements de santé pourrait donc leur être remboursée à travers un relèvement des tarifs des prestations remboursées par l’assurance maladie.
Les économies que les collectivités locales devront réaliser les empêcheront sans doute de satisfaire de nouveaux besoins exprimés par leur population mais les contraintes qui pèsent sur les finances publiques ne peuvent que fortement limiter la satisfaction des nouveaux besoins.
Pour que les collectivités territoriales puissent réduire leurs effectifs sous cette contrainte budgétaire renforcée, encore faudrait-il que l’Etat les y aide en simplifiant les réglementations qu’il leur impose et en évitant de leur transférer des compétences nouvelles sans les moyens nécessaires. En outre, une profonde transformation du secteur public local, notamment des relations entre communes et intercommunalités, est nécessaire pour que les dépenses publiques locales soient significativement réduites. La forte croissance des effectifs de la FPT résulte pour beaucoup du fait que les communes ont souvent gardé les agents affectés à des missions transférées aux intercommunalités en obligeant ainsi ces dernières à recruter.
C) La fonction publique d’Etat
Les effectifs de la fonction publique d’Etat ont déjà été réduits à la fin des années 2000 et des besoins de recrutement sont apparus dans certaines fonctions régaliennes (justice…). La baisse de ces effectifs dans les prochaines années pourrait donc être plus faible que pour les collectivités locales et de 0,5 % par an, soit 11 000 postes par an et 44 000 sur cinq ans (hors militaires). Les flux de départ en retraite étant d’environ 55 000 par an, environ 4 départs sur 5 pourraient être remplacés.
Si on retient de nouveau la croissance des effectifs depuis 1997 (0,3 % par an) comme référence et compte-tenu d’un coût de 28 000 € par an pour les nouveaux agents, l’économie permise par une baisse des effectifs de 0,5 % par an serait de 0,5 Md€ par an soit 2,5 Md€ à l’horizon d’un quinquennat (le gain à long terme serait plus important comme pour la fonction publique locale).
Les agents qui travaillent dans les services centraux (ministères, services à compétence nationale, directions des établissements publics nationaux) et dans les rectorats sont un peu moins de 200 000 et leur nombre ne peut pas être réduit de 44 000 sur cinq ans sans licenciements et sans gravement compromettre la réalisation de missions essentielles. Les comparaisons internationales montrent d’ailleurs que la France ne se distingue pas spécialement par le poids des fonctions support des administrations publiques. La baisse des effectifs doit donc toucher aussi les « agents de terrain » et ne peut pas épargner les personnels des établissements d’enseignement qui forment la plus grande part des effectifs de la FPE.
D) La fonction publique hospitalière
Si certains hôpitaux sont manifestement en sous-effectif, des gains de productivité significatifs pourraient être obtenus dans l’ensemble du système hospitalier, à qualité des soins inchangée, en développant de nouvelles technologies, en fermant les établissements où l’activité est la plus faible, en coordonnant mieux les parcours de soins, en modifiant l’organisation du travail et en simplifiant les procédures.
Compte-tenu des difficultés inhérentes à de telles réorganisations, une stabilisation des effectifs de la FPH pourrait être visée et tous les départs pourraient être remplacés. Si on retient de nouveau la croissance des effectifs depuis 1997 (1,2 % par an) comme référence et compte-tenu d’un coût de 29 000 € par an pour les nouveaux agents, l’économie permise par cette stabilisation des effectifs serait d’environ 0,4 Md€ par an soit 2,0 Md€ à l’horizon d’un quinquennat (le gain à long terme serait plus important comme pour la fonction publique locale).
La part des emplois non-soignants est nettement plus élevée en France (34 %) et en Belgique (36 %) qu’en Allemagne (22 %), en Italie (25 %) et en Espagne (24 %). Les personnels administratifs ne comptent toutefois que pour 11 % des effectifs totaux, les autres non-soignants étant des agents techniques, des agents de services et des agents éducatifs et sociaux.
E) La durée du travail
La fiche sur la durée du travail dans la fonction publique montre qu’elle était en moyenne, pour un temps plein, de 1 582 heures en 2023 (enseignants compris), soit un peu moins que la durée légale (1 607 heures) et 7 % de moins que celle des salariés du secteur privé (1 695 heures). Cet écart avec le secteur privé résulte surtout du nombre de jours de congés et de RTT. Il est plus important dans la fonction publique territoriale.
A effectifs constants, une hausse de la durée du travail permettrait d’améliorer les services rendus. A services identiques, elle faciliterait la réduction des effectifs.
Une augmentation de la durée du travail de x % ne permet cependant de réduire les effectifs que d’un taux inférieur à x %, à services inchangés. En effet, la réduction des effectifs n’est possible que si des agents partent et ne sont pas remplacés, ce qui n’est pas le cas dans tous les services et pas nécessairement dans la même proportion que la hausse de la durée du travail. Dans des services où l’activité est limitée et où il n’y a pas de départ, une augmentation de la durée du travail entraîne, à volume de travail inchangé, une diminution de la productivité horaire.
Une hausse de la durée du travail des agents publics de 1 % par an pendant cinq ans permettrait donc une baisse des effectifs de 57 000 par an au maximum et probablement de beaucoup moins. Pour obtenir une baisse des effectifs significative, il faut combiner la hausse de la durée du travail avec des mesures de réorganisation et une révision des missions.
Un alignement progressif sur la durée légale, ce qui concerne surtout les collectivités locales, devrait pouvoir être obtenu sans hausse des rémunérations. Une hausse plus importante du temps de travail, par exemple pour l’aligner sur celui des salariés du secteur privé, nécessiterait en revanche une augmentation des heures supplémentaires, dont la rémunération est majorée dans la fonction publique comme dans le secteur privé, ce qui limite l’impact budgétaire.
F) La mobilité des fonctionnaires
Les effectifs de la fonction publique ne peuvent être réduits qu’en ne remplaçant pas tous les départs en retraite. Or certains services peuvent rester en sureffectifs alors qu’aucun départ n’est remplacé tandis que d’autres services peuvent rester en sous-effectifs alors que tous les départs sont remplacés. Pour limiter les recrutements dans ces services, il faut que des agents puissent être transférés des services où on a moins besoin d’eux vers les services où on a plus besoin d’eux.
Or, la mobilité des fonctionnaires est faible. Par exemple, parmi les fonctionnaires titulaires civils, seulement 2,6 % ont changé de département pendant l’année 2021 (4,0 % pour les agents de l’Etat ; 2,5 % pour ceux des hôpitaux et seulement 1,1 % pour ceux des collectivités locales). Surtout, cette mobilité résulte beaucoup plus du choix de l’agent que de celui de son employeur. Les fonctionnaires de l’Etat occupent souvent un premier poste dans des zones peu attractives puis changent d’affectation au cours de leur carrière pour se rapprocher du lieu de travail souhaité. Les moins expérimentés se trouvent ainsi sur les postes les plus difficiles et les plus anciens sont dans les zones qui leur conviennent le mieux à titre personnel. Ces constats ont été rappelés par la Cour des comptes dans un rapport de 2019. Les obligations de mobilité dans l’intérêt de l’administration devraient donc être renforcées.
[1] Cf. notamment Cour des comptes, rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2017 (page 83)