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FIPECO, le 19.10.2023                                                                          

Les fiches de l’encyclopédie                                                          V) Les dépenses publiques

5) Les opérateurs de l’État

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L’expression « opérateurs de l’État » n’apparaissait pas dans la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001, mais celle-ci prévoyait d’isoler des « subventions pour charges de service public » au sein des dépenses de fonctionnement, en comptabilité budgétaire, et de transmettre au Parlement des informations sur « les organismes bénéficiaires » de ces subventions. Ces derniers ont été, assez vite après la promulgation de la LOLF, désignés par l’appellation « opérateurs de l’État » dans les documents budgétaires. La loi organique du 28 décembre 2021 a introduit les opérateurs dans la LOLF, qu’elle a modifiée, en prévoyant notamment la fixation en loi de finances d’un « plafond des autorisations d’emplois des opérateurs de l’Etat ».

Depuis 2006, un rapport sur les opérateurs de l’Etat est annexé au projet de loi de finances (PLF) et constitue la principale source d’informations synthétiques sur ces 438 organismes (dans le rapport annexé au PLF 2024) avec les « projets annuels de performance » des 56 programmes budgétaires auxquels ils sont rattachés. La Cour des comptes a publié un rapport sur les opérateurs en janvier 2021.

Cette fiche présente d’abord les principales caractéristiques des opérateurs et de leurs dépenses d’un point de vue juridique puis leurs principaux enjeux budgétaires.

A) Les caractéristiques juridiques

1) La définition des opérateurs

Les opérateurs sont définis principalement par les caractéristiques suivantes : une activité de service public qui peut être rattachée à la mise en œuvre d’une politique de l’État ; un financement assuré majoritairement par l’État, sous forme de subventions ou de taxes affectées ; un contrôle direct par l’État relevant de l’exercice d’une tutelle. La liste des opérateurs figurant dans le rapport annexé au projet de loi de finances est établie par la direction du budget en se fondant sur ces critères.

Cette définition est très proche de celle des « organismes divers d’administrations centrale » (ODAC), qui constituent l’une des catégories des « administrations publiques » de la comptabilité nationale, mais les listes des opérateurs et des ODAC ne sont pas identiques.

2) Le statut et la gouvernance des opérateurs

Les 438 opérateurs recensés dans le rapport annexé au projet de loi de finances pour 2024 (438 également dans celui pour 2023) ont des statuts juridiques divers. Ce sont surtout des établissements publics administratifs (51 %) ou des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (33 %), mais on y trouve aussi des établissements publics industriels et commerciaux (8 %)[1], des groupements d’intérêt public (4 %) ou des associations (2 %).

Outre, l’attribution de leurs moyens, sous forme de subventions ou de taxes affectées, le contrôle de l’État sur les opérateurs est assuré notamment par la nomination des dirigeants, la participation aux organes délibérants et le contrôle budgétaire (cf. ci-dessous). Les ministères de tutelle (en général, le ministère chargé du budget et le ministère chargé du domaine d’intervention de l’opérateur) assurent le suivi des orientations prises par les opérateurs et veillent à leur cohérence avec les politiques publiques auxquelles ces derniers contribuent.

Les gouvernements souhaitent depuis longtemps renforcer la dimension stratégique de cette tutelle en inscrivant les objectifs et les moyens des opérateurs dans des contrats pluriannuels passés entre ceux-ci et leur tutelle, qui ont pris de multiples formes et appellations au cours du temps. Toutefois, le rapport de la Cour des comptes de 2021 relevait que seulement 22 % des opérateurs disposaient d’un contrat en vigueur en 2020 (42 % hors établissements d’enseignement).

3) Le contrôle des dépenses

Les opérateurs sont, pour la plupart, soumis aux dispositions du décret du 7 novembre 2012 sur la gestion budgétaire et comptable publique (cf. fiche sur le contrôle des dépenses publiques) et sont contrôlés par la Cour des comptes.

Le contrôle du Parlement peut s’exercer sur la base d’informations spécifiques aux opérateurs contenues dans les annexes aux projets de loi de finances et de loi de règlement. Outre le rapport de synthèse précité, les « projets et rapports annuel de performance » par programme comprennent un « volet opérateurs » qui indique notamment : les crédits destinés aux opérateurs rattachés au programme, leurs missions, leur budget, leurs effectifs. Ces informations ont été enrichies en application de la loi organique de décembre 2021.

Depuis 2009, un plafond des autorisations d’emplois des opérateurs de chaque mission budgétaire est fixé chaque année en loi de finances. Certains emplois sont toutefois « hors plafond » : les contrats à durée déterminée, les contrats aidés et les emplois intégralement financés par un tiers (dont l’Etat par voie de mise à disposition) dans le cadre d’un contrat spécifiant leur nombre et leur nature. Un rapport de juin 2016 de l’inspection générale des finances montrait que 17 % des emplois hors plafond ne respectaient pas les conditions requises.

Comme les opérateurs n’ont, pour la plupart, pas le droit de s’endetter, en application de la loi de programmation des finances publiques[2], cette contrainte sur leurs ressources est un moyen de limiter l’évolution de leurs dépenses.

B) Les enjeux budgétaires

1) Les crédits de l’Etat

Les opérateurs sont financés par des crédits budgétaires prenant la forme de subventions pour charges de service public, incluses dans les dépenses de fonctionnement de l’État à hauteur de 35,6 Md€ dans le PLF pour 2024, de subventions pour charges d’investissement incluses dans les dépenses d’investissement à hauteur de 0,9 Md€, de « transferts », inclus dans les dépenses d’intervention à hauteur de 23,4 Md€ (au profit de tiers qui en sont les bénéficiaires finaux) et de dotations en fonds propres, incluses dans les dépenses financières à hauteur de 0,1 Md€. Au total, les crédits prévus en faveur des opérateurs s’élèvent à 60,0 Md€ (57,4 Md€ dans la loi de finances initiale pour 2023). Ils peuvent représenter plus de 75 %, voire 100 % des crédits d’un programme.

Les opérateurs qui mobilisent les subventions pour charges de services publics les plus importantes dans le PLF pour 2024 sont les universités (12,3 Md€), le CNRS (3,0 Md€), France Compétences (2,5 Md€), le CEA (1,4 Md€) et Pôle Emploi (1,3 Md€).

Les dépenses d’intervention qui sont financées par la mission « plan de relance » ne sont pas incluses dans les montants précédents.

2) Les taxes affectées

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit l’affectation de taxes à 24 opérateurs (ou catégories d’opérateurs comme les agences de l’eau) pour un montant total de 21,0 Md€ (19,2 Md€ en LFI 2023). Trois organismes, ou ensemble d’organismes, en reçoivent 82 % : France Compétences (54 %), l’agence de financement des infrastructures de transport de France (17 %) et les agences de l’eau (11 %).

Depuis 2012, le produit des taxes affectées à certains opérateurs, et à des entités non considérées comme des opérateurs, est plafonné en loi de finances, le surplus de recettes par rapport au plafond étant reversé à l’État. En application de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques (LPFP), ce plafonnement concerne toutes les taxes affectées aux opérateurs, sauf justification spéciale. Le montant total de ces plafonds est ajouté aux dépenses budgétaires auxquelles s’applique la « norme de dépenses pilotables de l’Etat ».

Les taxes affectées aux opérateurs ne représentent qu’une petite partie des impôts et taxes affectés par l’État à d’autres organismes publics, dont le total atteint 361 Md€ dans le PLF pour 2024. La plus grande part en est affectée aux organismes de sécurité sociale.

3) Le total des crédits budgétaires et des taxes affectées

Les crédits budgétaires et les taxes affectées s’élèvent au total à 81,0 Md€ dans le PLF 2024, en hausse de 4,4 Md€ (+ 6 %) par rapport à la LFI 2023.

Cette hausse est imputable principalement à France Compétences (contribution unique à la formation professionnelle), à l’affectation de nouvelles taxes à l’agence pour le financement des infrastructures de transport de France et aux redevances des agences de l’eau.

Leurs ressources propres des opérateurs se sont par ailleurs élevées à 14,0 Md€ en 2022.

Le financement des opérateurs par l’Etat (crédits de paiement en Md€)

 

LFI 2023

PLF 2024

Subventions pour charges de service public

33,7

35,6

Subventions pour charges d’investissement

0,6

0,9

Transferts (interventions)

22,9

23,4

Dotations en fonds propres

0,2

0,1

Taxes affectées

19,2

21,0

Total

76,6

81,0

Source : rapport jaune sur les opérateurs annexé au PLF 2024, FIPECO. La catégorie « subventions pour charges d’investissement » n’existait pas avant le PLF 2023.

4) La trésorerie

Certains opérateurs disposaient d’une importante trésorerie à la fin de 2022, le plus souvent en hausse par rapport à son niveau de fin 2022. Seuls de rares opérateurs, notamment la Société du Grand Paris, ont le droit d’emprunter au-delà d’un an.

Les trésoreries d’opérateurs les plus importantes au 31 décembre (M€)

Trésorerie

2020

2021

2022

Société du Grand Paris

9 606

14 862

13 630

Universités

3 409

3 857

4 110

ADEME

1 688

1 959

2 249

France Compétences

378

1 166

1 661

CEA

239

803

1 150

CNRS

994

1 184

1 278

Agence nationale de l’habitat

543

745

959

Agences de l’eau

642

718

747

Caisse de garantie du logement social

628

679

722

France AgriMer

231

388

627

Pôle Emploi

1 234

1 502

601

INSERM

353

525

569

CNES

285

415

520

Source : rapport jaune sur les opérateurs annexé au PLF 2024, FIPECO.

5) L’emploi et la masse salariale

En 2024, les opérateurs pourraient employer 479 686 personnes en équivalents temps plein (ETPT) dont 408 281 sous le plafond d’emplois autorisés par la loi de finances initiale (mais les emplois effectivement rémunérés sont toujours inférieurs aux prévisions de la LFI), contre 406 986 dans la loi de finances initiale pour 2023.

Les effectifs sous plafond les plus importants sont dans les opérateurs des programmes formation supérieur et recherche universitaire (principalement dans les universités), recherche scientifique et accès et retour à l’emploi (surtout chez Pôle Emploi).

Les emplois hors plafond se trouvent également pour une grande partie dans les opérateurs de la mission enseignement supérieur et recherche.

De la loi de finances initiale pour 2012 à celle pour 2017, les effectifs sous plafond ont été en légère augmentation du fait des créations d’emplois dans les universités et chez Pôle emploi, les autres opérateurs étant contraints de réduire leurs effectifs. Le tableau ci-dessous présente les évolutions depuis 2017, en exécution (2017 à 2019) et en LFI ou PLF (2019 à 2021).

Les emplois des opérateurs sous plafond (ETPT)

 

Exécution   2020

Exécution 2021

Exécution 2022

LFI 2022

LFI  2023

PLF 2024

Universités

135 941

136 240

136 496

145 360

145 376

145 377

Pôle emploi

47 661

48 727

48 852

48 878

48 847

49 147

Autres opérateurs

196 805

199 077

199 264

211 816

212 763

213 757

Total opérateurs

380 407

384 044

384 612

406 054

406 986

408 281

Source : PLF 2024, LFI et loi de règlement des années antérieures ; FIPECO. Comme les emplois en exécution peuvent différer du plafond de la LFI, les deux chiffres sont indiqués pour 2022.

En 2022, la masse salariale des opérateurs s’élevait à 32,0 Md€.

6) Les évolutions au cours des dernières années

Le nombre d’opérateurs a diminué depuis le PLF pour 2008 (649 opérateurs) à celui pour 2012 (560) puis celui pour 2020 (483). Depuis le PLF pour 2021, ce nombre est stable (437 ou 438 opérateurs selon les années).

La réduction de leur nombre entre 2020 et 2021 résulte de l’ajout de 13 nouveaux opérateurs, dont 9 du fait de la fusion d’organismes existants (notamment des universités), et du retrait de 59 opérateurs, dont 18 du fait de fusions. Parmi les disparitions, il y a 29 chancelleries (il ne reste que celle des universités de Paris).

Entre les PLF pour 2023 et 2024, trois opérateurs ont été ajoutés à la liste et trois en ont été retirés.

Les financements qui leur sont accordés par l’Etat ont néanmoins fortement augmenté puisqu’ils sont passés de 19,2 Md€ en 2007 à 38,9 Md€ en 2012 et 81,0 en 2024 en incluant le produit des taxes qui leur sont affectées. Celui-ci s’est d’abord accru, de 7 Md€ en 2007 à 10 Md€ en 2012, puis a baissé jusqu’à 7 Md€ en 2019, en partie en raison de la suppression ou de la rebudgétisation de certaines taxes, pour repartir à la hausse à partir de 2020 et atteindre 21,0 Md€ dans le PLF pour 2024.

La liste des opérateurs a changé au cours de ces dernières années, de même que leurs compétences et les charges inscrites à leur budget. En particulier, l’autonomie attribuée aux universités s’est accompagnée du transfert par l’Etat des dépenses de rémunération de leurs agents, ce qui s’est traduit à la fois par une forte augmentation des effectifs et des dépenses de personnel des opérateurs ainsi que des subventions pour charge de service public versées par l’Etat. Ces changements de périmètre expliquent sans doute largement la croissance de leurs effectifs : de 246 000 en 2007 à 451 000 en 2012 et 480 000 en 2024 (y compris emplois hors plafond). Les rapports annexés aux projets de lois de finances ne présentent cependant pas d’évolution des dépenses, des effectifs ou des ressources des opérateurs à périmètre constant sur plusieurs années.

 

[1] Qui, en dépit de ce statut, ont des activités principalement non marchandes.

[2] Celle-ci vise les ODAC, mais les ODAC et les opérateurs sont deux catégories très proches.

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