28/04/2021
Les finances publiques des pays de la zone euro en 2020
François ECALLE
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Les comptes provisoires des administrations publiques des pays de l’Union européenne publiés le 22 avril par Eurostat permettent de faire une première analyse de la situation des finances publiques dans la zone euro en 2020.
Le déficit public français en 2020 (9,2 % du PIB) était le sixième de la zone euro, derrière notamment ceux de l’Espagne (11,0 % du PIB) et de l’Italie (9,5 %), au-dessus de la moyenne de la zone (7,2 %) et loin devant ceux de l’Allemagne (4,2 %) et des Pays-Bas (4,3 %). Tous les pays de la zone avaient un déficit supérieur à 3,0 % du PIB.
En pourcentage du PIB, l’augmentation du déficit public en 2020 a néanmoins été du même ordre de grandeur (6 à 7 points de PIB) en France, dans la moyenne de la zone euro et en Allemagne. L’augmentation du déficit a résulté de la hausse des dépenses dues à la crise, celle-ci n’ayant été que très partiellement compensée par une légère hausse des recettes (en pourcentage du PIB).
La croissance des dépenses publiques en euros a été plus faible en France (5,5 % (ou 7,1 % hors crédits d’impôts)) que dans la zone euro (9,1 %) et en Allemagne (9,2 %). Partant d’un niveau plus élevé, la France est néanmoins restée à la première place en 2020 pour les dépenses publiques en pourcentage du PIB (62,1 %), loin devant la moyenne de la zone euro (54,1 %) et l’Allemagne (51,1 %).
La hausse du rapport des recettes publiques au PIB a été du même ordre de grandeur (0,2 à 0,6 point) en France, dans la zone euro et en Allemagne. En France, l’impact budgétaire des mesures relatives aux prélèvements obligatoires a été quasi-nul et leur diminution à législation constante a été inférieure à celle du PIB en valeur (élasticité inférieure à 1,0). Cette décomposition n’est pas encore possible pour les autres pays.
La dette publique est passée en France de 97,6 % du PIB fin 2019 à 115,7 % fin 2020, soit une hausse de 18,1 points. Dans l’ensemble de la zone euro, la dette est passée de 83,9 % du PIB fin 2019 à 98,0 % fin 2020, soit une hausse de 14,1 points. En Allemagne, elle est passée de 59,7 à 69,8 % du PIB, soit une hausse de 10,1 points.
A la fin de 2020, sept pays de la zone euro avaient une dette supérieure à 114 % du PIB, dont la France. Ils sont tous dans le sud de l’Europe sauf la Belgique. Les douze autres pays avaient une dette inférieure à 84 % du PIB (sept avaient même une dette au-dessous du seuil de 60 %) et ils sont tous dans le nord de l’Europe sauf Malte. Dans ces conditions, la renégociation des règles budgétaires européennes, notamment du seuil de 60 % du PIB pour la dette, sera certainement très difficile.
A) Le déficit public
Du fait de la crise économique et sanitaire, le déficit public a augmenté de 6,1 points de PIB en 2020 en France (7,0 points si on neutralise l’impact de la transformation du CICE en allègements de cotisations sociales en 2019) et de 6,6 points en moyenne dans la zone euro (5,7 points en Allemagne).
Le déficit public français s’est ainsi établi à 9,2 % du PIB en 2020 alors que le déficit moyen de la zone représentait 7,2 % du PIB. Le déficit de la France était le sixième de la zone euro, derrière notamment ceux de l’Espagne (11,0 % du PIB) et de l’Italie (9,5 %) mais loin devant ceux de l’Allemagne (4,2 % du PIB) et des Pays-Bas (4,3 %). Tous les pays de la zone euro avaient un déficit supérieur à 3,0 % du PIB.
Source : Eurostat ; FIPECO.
En pourcentage du PIB, l’augmentation de 6,1 points du déficit public en France en 2020 a résulté de hausses de 6,7 points des dépenses et de 0,6 point des recettes des administrations publiques. Dans la zone euro, la hausse de 6,6 points du déficit public s’explique par des hausses de 7,1 points des dépenses et de 0,4 point des recettes. La France est donc proche de la moyenne s’agissant de l’évolution de ces divers indicateurs en 2020 et pas très éloignée de l’Allemagne (hausse de 5,9 points des dépenses et de 0,2 point des recettes).
B) Les dépenses publiques
Les dépenses publiques (crédits d’impôts inclus) sont passées en France de 55,4 % du PIB en 2019 à 62,1 % en 2020 alors qu’elles sont passées de 47,0 % à 54,1 % du PIB en moyenne dans la zone euro (de 45,2 à 51,1 % en Allemagne). La France est ainsi restée au premier rang de la zone euro (et aussi de l’Union européenne ainsi que, probablement, de l’OCDE).
Source : Eurostat ; FIPECO.
Dans tous les pays, le rapport des dépenses publiques au PIB a augmenté en 2020 sous l’effet de la hausse de son numérateur, en raison notamment des mesures d’urgence visant à soutenir les ménages et les entreprises, et de la baisse de son dénominateur, en raison de la crise économique.
Le ratio dépenses / PIB a augmenté de 12,1 % en France, de 15,1 % en moyenne dans la zone euro et de 13,1 % en Allemagne, ce qui résulte des évolutions suivantes : les dépenses publiques ont augmenté en euros courants de 5,5 % en France (7,1 % hors crédits d’impôts[1]), de 9,1 % dans la zone euro et de 9,2 % en Allemagne ; le PIB a diminué en valeur de 6,1 % en France, de 5,4 % en moyenne dans la zone euro et de 3,4 % en Allemagne.
Les taux de croissance des dépenses publiques en euros en 2020 (%)
|
France
|
Zone euro
|
Allemagne
|
Rémunérations
|
2,4
|
3,3
|
4,0
|
Achats courants de biens et services
|
2,2
|
5,6
|
11,3
|
Investissements
|
- 3,3
|
3,4
|
5,6
|
Prestations sociales
|
8,0
|
8,2
|
7,1
|
Aides et subventions
|
11,9 (26,1)
|
39,6
|
35,6
|
Intérêts
|
- 15,9
|
- 11,1
|
- 20,7
|
Dépenses publiques totales
|
5,5 (7,1)
|
9,1
|
9,2
|
SoSource : Eurostat ; FIPECO. Les chiffres entre parenthèses sont hors crédits d’impôtsSource : Eurostat ; FIPECO. Les chiffres entre parenthèses sont hors crédits d’impôts.
urce : Erostat ; FIPECO. Les chiffres entre parenthèses sont hors crédits d’impôts
La croissance a été moins forte en France que dans la moyenne de la zone euro pour les dépenses de personnel, les achats de biens et services courants, les investissements et les aides et subventions (même hors crédits d’impôts). La progression des prestations sociales a été du même ordre de grandeur en France et en moyenne dans la zone euro. Toutefois, plusieurs pays, dont l’Allemagne, ont classé les indemnités d’activité partielle en subventions et non en prestations sociales car Eurostat a laissé le choix aux instituts statistiques nationaux. Si elles avaient été incluses partout parmi les prestations sociales, il apparaitrait que la croissance de celles-ci a été un peu moins forte en France, de même que celle des aides et subventions mais avec un écart plus faible que celui du tableau précédent.
Les taux de croissance des dépenses publiques ont été moins élevés en France en 2020, mais elle est partie d’un très haut niveau de dépenses et a conservé son avance. Le comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises a montré, dans son dernier rapport, que le niveau des subventions et des indemnités partielles effectivement décaissées, en pourcentage du PIB, a été en France plus important qu’en Allemagne et du même ordre de grandeur qu’en Espagne et en Italie.
C) Les recettes publiques
Les recettes publiques comprennent les prélèvements obligatoires (PO) et des recettes « non obligatoires » comme les redevances d’utilisation du domaine public, les dividendes des entreprises dans lesquelles l’Etat détient une participation ou encore le produit de la vente de services par les administrations. Le rapport des recettes publiques au PIB n’est donc pas égal au taux des PO mais ces deux ratios ont généralement des évolutions très proches car les PO forment l’essentiel des recettes publiques. Les statistiques européennes déjà disponibles pour 2020 ne distinguent pas les PO des autres recettes publiques.
La part des recettes publiques totales dans le PIB est passée de 52,3 % en 2019 à 52,9 % en 2020 en France et de 46,4 à 46,8 % du PIB dans la zone euro. Elle a augmenté en Allemagne, de 46,7 à 46,9 % du PIB. La France est à la première place de la zone euro en 2020.
Les variations annuelles de ce ratio peuvent avoir deux explications : des mesures législatives peuvent augmenter ou réduire les prélèvements obligatoires ; l’élasticité des recettes publiques au PIB (le rapport entre les taux de croissance des recettes à législation constante et du PIB en valeur) peut différer de l’unité.
En France en 2020 (cf. billet précédent), l’impact budgétaire global des mesures relatives aux prélèvements fiscaux et sociaux a été quasiment nul et l’élasticité du produit des prélèvements obligatoires au PIB a été de 0,7 (leur produit a moins baissé, à législation constante, que le PIB). Il n’est pas encore possible de faire cette décomposition pour les autres pays.
D) La dette publique
La dette publique au sens du traité de Maastricht est passée en France de 97,6 % du PIB fin 2019 à 115,7 % fin 2020, soit une hausse de 18,1 points. Dans l’ensemble de la zone euro, la dette est passée de 83,9 % du PIB fin 2019 à 98,0 % fin 2020, soit une hausse de 14,1 points. En Allemagne, elle est passée de 59,7 à 69,8 % du PIB, soit une hausse de 10,1 points.
La hausse de la dette en points de PIB a été plus forte en France que dans la zone euro parce que le déficit a été plus important et la croissance plus faible en 2020 mais sans doute aussi parce qu’une partie de l’endettement des administrations a servi en France à accumuler des liquidités (pour 3,3 points de PIB)[2].
La dette publique de la France à la fin de 2020 est nettement supérieure à la moyenne de la zone euro (98,0 % du PIB). Elle est beaucoup plus élevée que celle de l’Allemagne, mais nettement moins que celle de l’Italie (155,8 %).
La dette grecque a dépassé 200 % du PIB et il est bien probable qu’on en reparle prochainement.
A la fin de 2020, sept pays de la zone euro avaient une dette supérieure à 114 % du PIB et les douze autres avaient une dette inférieure à 84 % du PIB, dont sept avaient une dette au-dessous du seuil de 60 %. Les premiers sont dans le sud de l’Europe (sauf la Belgique) et les autres sont dans le nord (sauf Malte). Dans ces conditions, la renégociation des règles budgétaires européennes risque d’être très difficile.
Source : Eurostat ; FIPECO.
[1] La disparition du CICE en 2020 a contribué à minorer la croissance des dépenses publiques au sens d’Eurostat (crédits d’impôts inclus) en France.
[2] On ne sait pas encore si c’est aussi le cas dans les autres pays.