FIPECO le 10.04.2016
Les fiches de l’encyclopédie II) Déficit et dette publics, politique budgétaire
11) Les stabilisateurs automatiques
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Les finances publiques ont naturellement un effet de « stabilisation automatique » de l’activité économique : lorsque la croissance du PIB ralentit, le déficit public augmente, ce qui stimule la reprise d’une croissance plus forte ; symétriquement, lorsque la croissance accélère, le déficit diminue, ce qui contribue à freiner la croissance.
La politique budgétaire peut se limiter à « laisser jouer les stabilisateurs automatiques », mais cette expression peut désigner des politiques assez différentes.
A) Les effets stabilisateurs automatiques des finances publiques
Les effets stabilisateurs des finances publiques résultent de la combinaison des effets de la croissance sur le déficit public et des effets multiplicateurs des variations du déficit sur l’activité économique.
1) Les effets de la croissance sur le déficit public
La « croissance spontanée », c’est-à-dire à législation inchangée, de chaque prélèvement obligatoire, impôt ou cotisation sociale, dépend de l’évolution de l’assiette sur laquelle il est prélevé. « L’élasticité d’un prélèvement obligatoire particulier à son assiette » est le rapport entre sa croissance spontanée et celle de son assiette.
Lorsque le PIB augmente, toutes ces assiettes n’augmentent pas au même rythme et chaque prélèvement suit l’évolution de son assiette avec sa propre élasticité. Toutefois, en moyenne sur plusieurs années, la croissance du produit total des prélèvements obligatoires est à peu près égale à celle du PIB en valeur. « L’élasticité de l’ensemble des prélèvements obligatoires au PIB » qui rapporte leur croissance spontanée à celle du PIB en valeur pour une même année est approximativement égale à 1.
Le montant de certaines dépenses publiques dépend aussi de la situation économique. C’est notamment le cas des indemnités de chômage, mais aussi des minima sociaux ou des indemnités journalières de l’assurance maladie aux personnes en arrêt de travail. Celles-ci représentent cependant moins de 5 % du total des dépenses publiques, qui est donc largement indépendant de la conjoncture économique.
Etant donné que les recettes publiques évoluent comme le PIB en valeur et que la croissance des dépenses en est largement indépendante, le déficit public dépend fortement de la situation économique. Il diminue spontanément lorsque la croissance est forte et, inversement, augmente lorsqu’elle est faible.
Pour apprécier correctement la situation des finances publiques, il faut pouvoir isoler la « composante conjoncturelle » du solde public, c’est-à-dire la composante qui résulte du fait que la croissance a été particulièrement forte ou faible et que le PIB n’est pas à son niveau « potentiel ». L’écart entre le PIB effectif et le PIB potentiel est désigné par l’expression « écart de production », ou « output gap » en anglais.
La composante conjoncturelle du solde public correspond au surplus de recettes et aux économies de dépenses qui résultent de cet écart de production, s’il est positif[1]. Le surplus de recettes peut être estimé en utilisant les élasticités des divers prélèvements obligatoires au PIB ou l’élasticité de l’ensemble des prélèvements obligatoires au PIB. Les économies de dépenses peuvent aussi être calculées.
Au total, il apparaît qu’un écart de production de 1 % du PIB se traduit en France par un solde public supérieur de 0,55 point de PIB à ce qu’il serait si le PIB était égal au PIB potentiel[2].
Plus généralement, toute hausse (baisse) du PIB en valeur de 1 % entraîne une hausse (baisse) du solde public d’environ 0,55 point de PIB en France[3].
2) Les effets multiplicateurs des variations du déficit public sur le PIB
Si le déficit public s’accroît parce que le produit des prélèvements obligatoires diminue, le revenu disponible des ménages, ou celui des entreprises, augmente. En conséquence, les ménages consomment plus et les entreprises produisent plus et investissent plus. La production augmentant, les entreprises recrutent de nouveaux salariés qui consomment une partie de leur rémunération, ce qui accroît à nouveau la production.
Cet effet multiplicateur d’une variation du déficit public sur l’activité économique est atténué par plusieurs facteurs : une partie de la demande supplémentaire est satisfaite par des importations ; les prix et salaires tendent à augmenter, ce qui entraîne une dégradation de la compétitivité et des pertes de parts de marché des entreprises nationales.
Le « multiplicateur » est le rapport entre le supplément de PIB qui en résulte finalement et la hausse initiale du déficit. Il dépend des impôts, ou cotisations sociales, qui sont à l’origine de ce déficit. Son estimation est difficile et controversée : certaines études concluent à des multiplicateurs nuls alors que d’autres les situent à une valeur proche de 2.
Une valeur de 1,0 pour le multiplicateur semble une estimation moyenne raisonnable, ce qui signifie qu’une hausse (baisse) du déficit public de 1 point de PIB entraîne une hausse (baisse) du PIB de 1 %.
3) L’ampleur des stabilisateurs
Au total, une baisse de 1 % du PIB entraîne une augmentation du déficit public de 0,55 point de PIB et celle-ci entraîne à son tour une hausse du PIB de 0,55 %. L’effet de stabilisation automatique des finances publiques est donc tel qu’une baisse initiale (« ex ante ») du PIB de 1 %, tenant par exemple à une réduction de la demande adressée aux entreprises françaises par leurs clients étrangers, est « automatiquement » limitée finalement (« ex post ») à 0,45 %. De manière symétrique, une hausse initiale du PIB de 1 % est automatiquement limitée ex post à 0,45 %.
Les finances publiques tendent donc à empêcher la croissance d’être très forte ou très faible et contribuent à la « stabiliser ».
L’ampleur de cet effet stabilisateur dépend de l’impact d’une variation du PIB sur le solde public et cet impact dépend lui-même de la part des dépenses publiques dans le PIB : une baisse du PIB entraîne une augmentation du déficit de 0,55 point de PIB en France parce que les dépenses publiques y représentent 55 % du PIB et parce que l’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB est proche de 1.
Plus les dépenses publiques sont importantes, plus les effets stabilisateurs des finances publiques sont forts. Ils le sont donc particulièrement en France, ce qui explique en partie pourquoi la récession de 2008-2009 y a été moins prononcée que dans le reste de l’Europe et pourquoi aussi la reprise de la croissance y a été plus lente. L’économie américaine est de son côté caractérisée par de faibles stabilisateurs automatiques : les crises y sont violentes, mais la reprise y est vive.
L’ampleur de l’effet stabilisateur dépend enfin des contraintes pesant sur l’offre. Si la baisse du PIB résulte d’une catastrophe naturelle qui a conduit à un arrêt de l’appareil de production, il est très faible.
B) Les stabilisateurs automatiques et la politique budgétaire
La politique budgétaire peut consister à laisser jouer les stabilisateurs automatiques en laissant inchangé le niveau du « solde structurel » ou en maintenant inchangée une trajectoire prédéfinie d’évolution de ce solde structurel.
1) Le libre jeu des stabilisateurs automatiques au sens strict
La politique budgétaire devrait avoir pour objectif de lisser les variations conjoncturelles de la croissance du PIB. Cet objectif est atteignable en se donnant un objectif de solde structurel nul, conformément au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) dans l’Union européenne, et en laissant la composante conjoncturelle du solde public évoluer, dans un sens puis dans l’autre, en fonction des variations de la croissance du PIB, ce qui permet de les lisser grâce à « l’effet contra-cyclique » des stabilisateurs automatiques.
Le solde structurel visé n’est pas forcément nul, un niveau permettant de stabiliser à moyen terme la dette publique a un niveau « raisonnable » pouvant aussi être retenu. Le TSCG autorise pour cette raison les Etats de l’Union européenne à viser un déficit structurel compris entre 0 et 1 % du PIB en fonction de l’importante de leur dette publique.
Dans le cas de crises très importantes, comme celle de 2008-2009, l’effet de stabilisation automatique résultant d’une telle politique budgétaire est cependant insuffisant. Des mesures de baisse des prélèvements obligatoires ou d’augmentation des dépenses publiques sont alors nécessaires mais à condition, comme l’avaient rappelé les institutions internationales (FMI, OCDE et Commission européenne) à cette époque, que ces plans de relance soient temporaires et que les mesures prises soient annulées dès que la croissance reprend.
2) Le libre jeu des stabilisateurs automatiques autour d’une trajectoire de diminution du déficit structurel
Il n’est pas envisageable, sauf en cas de crise comme celle de 2008-2009, de maintenir inchangé le niveau du déficit structurel dans un pays comme la France où il est trop élevé depuis de nombreuses années.
Le TSCG impose, à juste titre, à chaque pays de se donner une trajectoire de réduction du déficit structurel vers un « objectif de moyen terme » proche de l’équilibre.
En revanche, l’esprit de la réforme qui a conduit à l’adoption du TSCG devrait conduire à accepter des variations de la composante conjoncturelle du déficit en fonction des fluctuations de la croissance du PIB. Il en résulte alors un effet de stabilisation automatique qui atténue l’impact de la baisse du déficit structurel, si la conjoncture est défavorable, et renforce cet impact si la conjoncture est favorable.
C’est une autre manière de « laisser jouer les stabilisateurs automatiques », plus appropriée dans ce type de circonstances. Elle présente toutefois une difficulté au regard des règles du pacte de stabilité et de croissance, lorsqu’un pays est en « situation de déficit excessif ». En effet, ces règles imposent toujours de respecter des objectifs de réduction du déficit effectif, tant que celui-ci n’est pas revenu au-dessous de 3 % du PIB, ou tant que la dette publique ne se rapproche pas suffisamment vite du seuil de 60 % du PIB.
Même si la trajectoire d’évolution du déficit structurel est maintenue, le libre jeu des stabilisateurs automatiques autour de cette trajectoire peut ainsi être contrarié par l’obligation de réduire suffisamment le déficit effectif pour le ramener au-dessous de 3,0 % du PIB à un horizon déterminé.
[1] Pertes de recettes et surcroît de dépenses s’il est négatif.
[2] Inférieur de 0,55 point pour un écart de production de – 1 %.
[3] Et toute hausse de x % entraîne une amélioration du solde public de 0,55 fois x.